Hong Kong, plaque tournante de la contrebande d'antiquités chinoises
Date 24-09-2007 18:38:56 | Sujet : Culture & Divertissement
| Porcelaines, terres cuites, calligraphies et autres Bouddhas géants: les amateurs d'antiquités chinoises trouvent sur Hollywood Road les pièces les plus anciennes, souvent pillées sur les sites chinois mais vendues en toute légalité à Hong Kong.
"La plupart des antiquités vendues à Hong Kong proviennent de Chine et la grande majorité sont issues de sites pillés", affirme le professeur P.K. Cheng, directeur du département de civilisation chinoise à l'Université de Hong Kong. "C'est un secret de polichinelle", confirme Sally Chu, qui tient l'une de ces boutiques. "Les pièces que nous vendons ont été prélevées sur des sites chinois anciens", ajoute cette spécialiste des antiquités chinoises et tibétaines.
La Chine, qui a perdu ainsi des millions de trésors, souhaite mettre un terme à un trafic très juteux. Elle va interdire les exportations de toutes ses antiquités datant d'avant 1911.
Jusqu'à présent, cette interdiction concernait les antiquités remontant à 1795, ce qui n'empêchait pas des terres cuites et autres statues bien plus anciennes de se retrouver entre les mains de vendeurs peu scrupuleux. La nouvelle réglementation, qui va protéger le patrimoine jusqu'à la dernière dynastie impériale, celle des Qing, entrera en vigueur à la fin de l'année.
Hong Kong, région administrative spéciale, n'est pas concernée par cette réglementation et pourra donc continuer à commercialiser des antiquités datant d'avant 1911.
Du reste, les autorités hongkongaises montrent peu de zèle à lutter contre l'entrée illégale de telles pièces. Depuis 10 ans, l'administration des douanes n'a interdit qu'à trois reprises des entrées d'antiquités chinoises.
"Le peu de saisies réalisées au cours des dix dernières années montre que la contrebande est faible à Hong Kong", assure un représentant des douanes.
Un point de vue que ne partagent pas collectionneurs et experts. "Si autant de gens peuvent entrer ou sortir en douce du territoire chinois, ils peuvent aussi se livrer à ça (la contrebande)", estime le professeur Cheng.
"Il y a 10 ans, le phénomène était plus important. Des fonctionnaires et des militaires étaient également impliqués, mais le gouvernement central a commencé à y mettre un terme", ajoute M. Cheng. Des pilleurs de tombe ont ainsi été condamnés à mort et exécutés.
Mais dans le même temps, "dans les campagnes, les villageois ont pris conscience de la valeur commerciale de ces objets et n'hésitent pas à piller des trésors enterrés, comme des tombes", relève encore M. Cheng.
Quant aux acheteurs qui arpentent Hollywood Road, "les plus riches viennent de Chine", assure Sally Chu. "Les antiquités qu'ils achètent ici sont accompagnées de certificats, ce qui leur permet de repasser la frontière en toute légalité", ajoute l'antiquaire.
Pour un autre marchand, "l'achat d'antiquités munies de certificats fournis par les commerçants de Hong Kong est aussi un moyen de blanchir de l'argent. Ainsi, "beaucoup de collectionneurs privés paient en cash des antiquités qui pourront ensuite être revendues sans souci à New York, Paris ou Londres", ajoute-t-il sous couvert d'anonymat.
Au final, pour le professeur Cheng, le risque d'éparpillement du patrimoine, et par là même la destruction de l'histoire d'un pays, constitue le principal enjeu.
"Ces antiquités présentent aux yeux des collectionneurs un intérêt esthétique, mais ce qui est grave, c'est qu'en les retirant de leur site, leur signification historique et culturelle disparaissent", plaide M. Cheng.
Et même si la Révolution culturelle de Mao et ses Gardes rouges ont en partie détruit le patrimoine historique, "ils ne s'en sont pas pris à tous ces trésors enterrés, comme ces chambres funéraires que certains paysans de la province de Shanxi ouvrent à la dynamite", conclut le professeur.
MAP
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