Maroc : Le business des festivals
Date 08-06-2009 19:58:26 | Sujet : Culture & Divertissement
| Les événements musicaux fleurissent aux quatre coins du royaume. Et sont autant de possibilités de développement économique et touristique.
Ă€ Rabat, du 15 au 23 mai, le festival Mawazine a mis les petits plats dans les grands pour accueillir des stars mondiales comme Stevie Wonder, Kylie Minogue, Alicia Keys ou Ennio Morricone… Pour une affiche Ă faire pâlir les plus grands festivals europĂ©ens : neuf scènes, neuf jours de concerts pour la plupart gratuits, une centaine de formations, quarante pays reprĂ©sentĂ©s et un million de spectateurs. Une Ă©norme machine qui n’oublie pas les artistes du continent : Johnny Clegg, Amadou et Mariam, Khaled, Mayra Andrade ou le rappeur somalien K’Naan entre autres. Une centaine de personnes dans l’organisation (logistique, communication, coordination), sans parler des prestaÂtaires techniques (scènes, son, vidĂ©o), de la presse internationale invitĂ©e Ă grands frais… ni des 1 600 billets d’avion Ă©mis par Royal Air Maroc pour acheminer Ă Rabat tout ce petit monde. Montant de l’opĂ©ration : près de 26 millions de dirhams, soit 2,3 millions d’euros. Une image positive du pays
« L’aspect touristique est important. La ville affiche complet tout le week-end. Cette Ă©conomie de la culture commence Ă bien fonctionner : tous nos prestataires sont des entreprises Ă©tablies au Maroc, explique le directeur artisÂtique et porte-parole du festival, Aziz Daki. L’évĂ©nement donne une image positive du pays, et il est important pour la population de crĂ©er une fĂŞte, de Ârompre la monotonie. » En tĂ©moignent les dizaines de milliers de personnes qui se pressaient en 2008 aux concerts de Nass el-Ghiwane ou de l’Orchestre national de Barbès.
Jazz Ă Tanger, Rabat et Fès. ÂMusiques urbaines Ă Casablanca. Artistes amazighs et musiques du monde Ă Agadir. Arts populaires et cinĂ©ma Ă Marrakech. Musiques sacrĂ©es Ă Fès. Sans compter les festivals de Chefchaouen, Asilah, Azemmour ou Tafraout, ceux de Laayoune et de Dakhla dans le Sahara… La liste s’agrandit chaque annĂ©e.
« Pour notre première, en 1998, on ne venait que par voiture et bus, il n’y avait pas encore d’aéroport », se souvient Neïla Tazi, l’une des fondatrices du Festival gnaoua d’Essaouira, classé par le quotidien britannique The Guardian comme l’une des douze meilleures destinations musicales, qui emploie aujourd’hui vingt-cinq personnes, au sein d’A3 Communication, une agence spécialisée dans les relations presse et la production d’événements culturels. « Le Festival gnaoua a été la preuve qu’une manifestation culturelle peut avoir un impact considérable sur le développement d’une ville, avec d’autres telles que le Printemps musical des alizés, le Festival des Andalousies atlantiques, le festival Jeunes Talents. » Et si les partenaires publics encouragent à hauteur de 20 % le Festival gnaoua, pour le reste, ce sont les entreprises (téléphonie, banques, boisson, hôtellerie…) qui cherchent, en s’associant à ce type d’événement, à se forger une image positive et moderne. Quant à son impact sur le développement de la ville, les chiffres parlent d’eux-mêmes, à tel point que, face aux 500 000 festivaliers qui s’y pressent chaque année, certains en viennent à regretter le bon vieux temps… La cité des Alizés est en effet devenue l’une des destinations touristiques incontournables du pays. Le nombre d’hôtels, riads et maisons d’hôtes est passé de 9 à 157 en dix ans. Idem pour les restaurants (de 7 à 62), les cafés (de 17 à 147) et les associations, qui sont aujourd’hui plus de 450.
Des passerelles avec le monde
Plus au nord, dans la capitale spirituelle du royaume, la fondation Esprit de Fès chapeaute cinq Ă©vĂ©nements, dont le Festival des musiques sacrĂ©es. « Nous cherchons Ă atteindre notre but : accompagner le dĂ©veloppement de la ville Ă travers la culture, en puisant dans les racines et le patrimoine. Nous souhaitons une animation quasi continue, toute l’annĂ©e », explique la directrice, Fatima Sadiqi, qui considère que « la culture et le tourisme culturel constituent un vĂ©ritable moteur de dĂ©veloppement durable. » « Les festivals crĂ©ent des passerelles entre les Marocains eux-mĂŞmes et, pour Ânombre de ceux-ci, avec le reste du monde », conclut NeĂŻla Tazi.
Comme Fès et son Festival de la culture amazighe, Agadir accueille cette annĂ©e la sixième Ă©dition de Timitar, oĂą les grands noms de la chanson berbère cĂ´toient des artistes internationaux. Une dimension identitaire et une preuve, comme les confrĂ©ries gnaouas, de la pluralitĂ© du Maroc : « Timitar est nĂ© dans une rĂ©gion Ă forte identitĂ© amazighe, culture dans laquelle la musique a toujours pris une place très importante sur les plans social et Ă©conomique, mais Ă©tait assez peu relayĂ©e par les mĂ©dias », constate le directeur artistique, ÂBrahim El Mazned. « Cette dynaÂmique de festivals qui Ă©voluent depuis dix ans au Maroc est extraordinaire, elle trouve son origine dans les grands rassemblements populaires, profanes et sacrĂ©s (moussems, souks…). Mais tout cela ne doit pas cacher la nĂ©cessitĂ© essentielle d’avoir une vraie politique culturelle Ă l’échelle de l’État et des collectivitĂ©s territoriales », conclut-il.
Ce que ne contrediront pas les agitateurs casablancais du Boulevard des jeunes musiciens, dĂ©diĂ© aux musiques Âurbaines. L’équipe de ce Petit Poucet par le budget (3,5 millions Ă 4 millions de dirhams, soit entre 315 000 et 360 000 euros) a rĂ©duit les ambitions de son festival cette annĂ©e (du 28 au 31 mai), pour dĂ©velopper un projet de centre de musiques actuelles de 850 m2 au Technopark de Casablanca, avec locaux de rĂ©pĂ©tition, studios d’enregistrement et formations pour les jeunes artistes marocains. Elle fait Ă©galement partie du collectif d’artistes et d’associations qui vient de se voir confier les anciens abattoirs de Casablanca, soit sept hectares dĂ©diĂ©s Ă une friche de crĂ©ation culturelle, dans diffĂ©rentes disciplines (musique, mode, cinĂ©ma…).
Ce boom des festivals a encouragĂ© l’éclosion d’une nouvelle scène maroÂcaine très remuante, dans diffĂ©rents Âstyles (rock, hip-hop, fusion), qui se retrouve chaque annĂ©e au « Boulevard ». Mohammed VI lui-mĂŞme y prĂŞte attention : il gratifiait l’an dernier d’une enveloppe de 250 000 dirhams (23 000 euros) huit groupes de cette nouvelle scène, jugĂ©s « prometteurs » et « ayant hissĂ© leurs productions au rang de la crĂ©ativitĂ© ».
JeuneAfrique
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