Pourquoi le poisson se fait rare
Date 17-08-2008 12:24:05 | Sujet : Economie
| · Surexploitation, hausse du prix du gasoil, export… · La production a chuté de 100.000 tonnes entre 2001 et 2007 · Baisse des débarquements dans le nord
Vous avez sans doute remarqué que le poisson se fait ces temps-ci très rare et plus cher. Le phénomène ne date certes pas d’aujourd’hui, mais il a tendance à s’accentuer. Entre 2001 et 2007 la production a baissé de plus de 100.000 tonnes (voir tableau). De quoi alarmer les autorités compétentes. Plusieurs facteurs participent au manque d’approvisionnement du marché local. Ce manque est, d’abord, lié à un phénomène naturel qui fait que la période se situant entre fin juin et début septembre est synonyme de rareté. La période étant chaude, le poisson cherche les profondeurs où il fait moins chaud. Aussi la flotte marocaine (celle de la pêche côtière) ne s’aventure-t- elle pas à aller le chercher faute de moyens matériels et financiers. Conséquence, les débarquements des navires de pêche dans les ports marocains diminuent. Ainsi dans la ville de Casablanca, qui fait partie de l’axe (Agadir-Tanger) où les populations consomment le plus de poisson, ces débarquements ont enregistré, entre le premier juillet et le 10 août derniers, une baisse de 24% par rapport à la même période en 2007. Parmi les raisons de cette régression, on trouve la baisse du poisson dit de transit, acheminé principalement depuis Lâayoune et Tan Tan vers Casablanca pour une première vente, suite à la valorisation des produits pour alimenter les unités de transformation, qui se trouvent essentiellement dans le sud du royaume. Ceci sans oublier la demande de l’export qui offre des prix beaucoup plus alléchants que ceux proposés sur le marché local. Dans ce sillage et selon les chiffres de l’Office des Changes, les exportations de poisson (frais, séchés ou fumés), des crustacés, mollusques et coquillages, ont enregistré durant la période se situant entre janvier et juin de cette année une hausse de 13.707 tonnes par rapport à la même période à 133.427 tonnes.
La rareté se ressent davantage dans les régions du nord de l’Atlantique et de la Méditerranée que dans celles du sud. «La diminution de la productivité des pêcheries du nord est la conséquence de surexploitation de cette région», souligne Abdelali Lamoudi de la direction commerciale et technique de l’Office national des pêches (ONP). Cette pénurie a poussé de nombreux sardiniers et chalutiers à immigrer vers le sud. Ainsi les débarquements dans ces régions (nord de l’Atlantique et de la Méditerranée) ont enregistré, durant le premier semestre de cette année, une baisse de 10%. Globalement, les débarquements ont connu une hausse de 12% en poids, à 355.000 tonnes et 37% en valeur à 2,4 millions de dirhams. Cette hausse trouve son explication dans l’amélioration des captures des poissons pélagiques (sardines) et des céphalopodes (poulpes) au niveau des ports du sud. Les autres espèces n’ont pas enregistré de hausse significative. Les pêcheurs préférant liquider leurs captures dans le sud parce que c’est plus rentable que de faire le voyage vers le nord où le marché ne propose pas les mêmes prix que les exportateurs installés en majorité dans cette région.
Détournement des accords
Les sociétés mixtes entre Marocains et Espagnols ou Portugais, qui s’activent surtout dans la zone sud, rajoutent à la confusion. D’abord, même si les navires de ces entreprises battent pavillon marocain, leurs captures vont directement à l’étranger, notamment en Espagne (via surtout Las Palmas).
«C’est une sorte de détournement des accords de pêche avec l’UE», souligne Abderrahim Labidi. «Ces navires profitent de la subvention de sortie de la flotte de l’UE, et s’arrangent pour en avoir en convainquant l’union que même dans la cadre de sociétés mixtes, ils alimentent la communauté européenne», ajoute Abdellatif Zine, directeur général de la chambre maritime d’Agadir.
Deux aspects inquiètent les professionnels marocains, d’abord la concurrence rude que leur livrent les navires de ces entreprises, mieux équipés et mieux subventionnés. Ensuite la surexploitation des richesses à laquelle s’adonnent ces sociétés. «Selon l’accord avec l’Union européenne, il n’y aurait que 118 navires mais avec les sociétés mixtes, la flotte comprend près de 500 navires», note le secrétaire général de la Fédération nationale des armateurs de la pêche côtière. Ce dernier n’oublie pas de souligner que des navires russes et japonais, spécialisés dans la pêche hauturière, font également de la pêche côtière. Ce qui contribue à priver le marché local d’approvisionnement.
«Il y a une confusion entre zone de pêche côtière et celle hauturière qui fait que les navires de cette dernière travaillent dans la première zone. Il y a même des céphalopodiers qui pêchent du poisson», confirme le DG de la chambre maritime d’Agadir.
La hausse du prix du gasoil contribue également au manque d’approvisionnement du marché local en ce sens qu’elle réduit la durée et le nombre des marées.«Les pêcheurs achètent ce carburant à 7.600 dirhams la tonne», se plaint Labidi. Le gasoil constituant près de 70% des charges des expéditions en mer.
Jalal BAAZI L'économiste
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