Economie: Logement Ă©conomique: Vous avez dit au noir?

Posté par: Visiteursur 25-06-2007 20:11:50 4046 lectures «C’est indiscutable. C’est la règle chez nous!». Sans ambages, la commerciale me signifiait ainsi l’impossibilité d’accéder à un logement sans débourser le fameux «noir». Rien moins que 30.000 DH à verser en sus des 200.000 DH, valeur «réelle» d’un appartement dans ce programme de logement social sis dans le quartier de Sidi Bernoussi (Casablanca). S’exprimant sur un ton âpre n’admettant aucune discussion, la commerciale m’expliquait qu’il fallait s’acquitter de cette «avance» pour «réserver» son appartement, bien que celui-ci ne serait livrable que dans un an et demi. Le chantier, n’étant même pas encore lancé! Mais, vu la notoriété de ce promoteur dont les produits s’écoulent comme des petits pains, il faut s’y prendre très tôt. «Les premiers à réserver seront les mieux servis. Nous avons déjà 500 commandes alors que nous venons à peine de lancer l’opération de réservation», précise la commerciale. Elle pense, sans doute, m’inciter ainsi à me décider.

Le black n’est pas uniquement l’affaire des petits promoteurs. Des entreprises bien en vue à Marrakech, Casablanca, Agadir, s’y livrent encore, même si partout l’on soutient la régression de la tendance. Ils détournent ainsi de sa destination première une mesure incitative à vocation sociale. Le «noir» peut représenter de 15 à 20, voire 30% du montant dans un logement social. Evidemment, par la nature même du problème, aucun chiffre officiel n’est disponible. Mais la réalité du terrain et plusieurs témoignages concordants attestent de l’ampleur de ce problème.


Une nuance tout de même, du côté des grands groupes qui réalisent le gros des programmes de logement social (plus de 80%), la pratique du noir semble se perdre. Certains font d’ailleurs de l’absence du noir un argument commercial qui, de l’avis de grands promoteurs, s’est avéré bien efficace. «Le créneau est porteur. Nous n’avons pas besoin de recourir au noir pour gagner plus», soutient Mohamed Belbachir, numéro 2 du groupe Addoha. Au contraire, poursuit-il, «compte tenu de la cible des logements sociaux, exiger des dessous-de-table ne ferait que rétrécir davantage la demande». Ce sera la même argumentation qui sera servie par différents promoteurs conventionnés. Ceux-ci, rappelons-le, bénéficient d’exonérations fiscales (tous impôts et taxes) et s’engagent en contrepartie de livrer 2.500 logements sur 5 ans. Ils sont donc tenus d’accélérer le rythme de production et de vente. «Vendre vite est plus rentable pour nous», assure-t-on du côté du groupe Jamaï.

A qui profite réellement l’habitat social?

MÉDECINS, avocats, étrangers, étudiants africains… C’est la nouvelle clientèle qui se rabat désormais sur les programmes économiques. Non pas comme acquéreurs mais plutôt comme locataires! Il suffit de faire un tour du côté de Sidi Maârouf, Hay Hassani, Aïn Sebaâ, Oulfa… pour s’en apercevoir. Les logements économiques, destinés initialement aux ménages à revenus limités ou modestes, sont ainsi détournés de leur première finalité. Ce sont donc des acquéreurs plus «aisés» qui accèdent à ce genre de logement pour le louer par la suite. On y voit un placement, un investissement. Mais au bout du compte, et dans un contexte de flambée des prix et l’explosion de la demande, chacun, locataires et proprios, trouve son compte dans l’affaire.

Source : L'Economiste