Santé: Sida: Des assises sous le signe de l’engagement
Posté par: Visiteursur 29-05-2007 00:14:34 1464 lectures · L’accès au dépistage au cœur des débatsUn parterre impressionnant pour la séance d’ouverture des Assises nationales de l’ALCS ce week-end à Fès. L’Association de lutte contre le Sida a réuni une pléiade d’éminents spécialistes pour débattre avec quelque 300 volontaires et autres acteurs sociaux au Maroc de la problématique du dépistage de l’infection au VIH/sida. Des représentants de l’OMS, de France mais aussi d’Algérie, Mauritanie, Tunisie, Roumanie et Etats-Unis ont aussi répondu présent. Le sujet est grave, la réflexion profonde, mais l’ambiance était aussi à la convivialité.
Les Assises, qui en sont à leur 7e édition, se veulent, d’après l’ALCS, «un espace de renforcement de l’unité et de la cohésion du travail des volontaires, mais aussi un moment de reconnaissance et de ressourcement». Très remarquée, l’allocution du ministre de la Santé a dès le départ donné le la. «Le préservatif est le seul moyen, scientifiquement prouvé, de lutter contre le sida. Il ne faut avoir aucune gêne à en faire la promotion», dira Mohammed Cheikh Biadillah. Le ton est lancé et les débats seront, tout au long du week-end, loin d’être «langue de bois». Et pour cause, au terme du premier semestre, les services hospitaliers ont presque dépassé leurs prévisions pour l’ensemble de l’année. 1.840 personnes sont déjà sous traitement alors que estimations tablaient sur 1.900 pour 2007. D’autant plus que les structures hospitalières à Agadir, par exemple, continuent à recevoir 17 à 20 nouvelles personnes atteintes par mois et Casablanca en enregistre 15. Si les récentes avancées scientifiques ont permis d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes par le VIH/sida, les question sociétales restent, selon Alain Molla, avocat et spécialiste des questions éthiques, très en retard. Les tabous qui entourent encore le sujet, la difficulté d’en parler, la discrimination envers les personnes vulnérables, sont du fait que le sida est «au carrefour de la rencontre des êtres». C’est-à -dire tout simplement une maladie transmissible par le sang, par le lait maternel ou les relations sexuelles. L’origine même de la vie. Les progrès thérapeutiques avancent à grands pas et c’est justement ce qui a motivé l’ALCS pour le choix du thème. Dépister de manière de plus en plus précoce permet de mieux traiter les personnes touchées. Car selon les dernières estimations, seules 12% des personnes touchées en Afrique seraient au courant de leur statut sérologique et pas plus de 20 à 30% en Europe. «La majorité des personnes infectées ignorent leur statut sérologique et ratent l’occasion d’une prise en charge précoce», a affirmé Carla Makhlouf Obermeyer, de l’OMS.
D’ailleurs, l’organisme met actuellement au point une série de recommandations pour la généralisation de l’accès au test à l’ensemble des activités de santé publique. L’OMS propose donc «un dépistage de routine», c’est-à -dire passer de la situation de la demande à un dépistage subi ou systématiquement proposé. Or «si le constat part d’un souci respectable, les choses sur le terrain ne sont pas aussi simples que cela», rétorquent les militants, qui craignent que ces recommandations ne soient pas accompagnées de mesures nécessaires à même de sauvegarder les droits des personnes touchées, particulièrement la sacro-sainte règle des 3C («Consentement, confidentialité et conseil»).
La tentation du contrôle sanitaire, des attitudes hygiénistes ou du dépistage systématique longtemps combattus par les militants semble de plus en plus refaire surface. Or, selon les acteurs sociaux, les droits humains sont fondamentaux dans la lutte contre le sida, qui ne peut d’ailleurs se faire sans les personnes concernées.
SĂ©ropositifs
Les Assises ont donné une place de choix aux séropositifs. Un atelier était consacré aux problèmes rencontrés au quotidien. Discrimination, opprobre, accès aux traitements de deuxième ligne, mais aussi problème quotidien de survie y ont été débattus. Un groupe a été créé au sein de l’Association, conçu comme un espace permettant la participation active des personnes touchées dans tous les aspects de la riposte à l’épidémie. Il est dénommé «ALCS+», ALCS pour l’appartenance des membres à l’association, le «+» pour la séropositivité mais aussi pour «une action positive» souhaitée par tous les membres du groupe selon l’un des participants.
«Il faut accélérer la formation des médecins»
Hakima Himmich, présidente de l’ALCS, trouve inadmissible que la maladie arrive à un stade symptomatique sans que les médecins aient prescrit de tests de dépistage.
· L’Economiste: Que pensez-vous des nouvelles recommandations de l’OMS concernant les tests de routine?
- Hakima Himmich: Généraliser le test de dépistage? Je dirais oui, mais dans les règles de l’art. Il y a une tendance actuelle aux USA et à l’OMS, qui préconise d’élargir les indicateurs du test au point de recommander presque un «consentement par défaut». Je reste toutefois critique sur les conditions d’application de ces recommandations, surtout dans les pays du Sud.
· Que préconisez-vous donc pour le Maroc?
Il faut certainement élargir l’accès au dépistage mais en établissant des garde-fous. Il faut surtout accélérer la formation des médecins de tous les secteurs. Il n’est pas normal qu’un patient arrivant à un stade symptomatique de la maladie ait consulté auparavant et sur 2 ou 3 ans une dizaine de médecins sans qu’aucun ne lui ait prescrit un test de dépistage.
· Et au niveau des traitements?
- Il faut savoir qu’il y a une explosion de l’épidémie notamment dans le sud du pays. Nous ne pourrons probablement pas faire face à toutes les demandes, il est donc est impératif de continuer notre combat pour la réduction des coûts des traitements. Il existe aujourd’hui des médicaments efficaces qui coûtent 30 dollars par mois alors qu’une trithérapie coûte 800 DH en moyenne chez nous.
Source : L'Economiste