Culture & Divertissement: Dominique Caubet : "Casa Nayda" est le reflet d’une identité plurielle

Posté par: Visiteursur 01-11-2007 19:22:57 7585 lectures Le festival "Casa Ciné" sera l’occasion de découvrir le premier film documentaire marocain consacré à la nouvelle scène musicale marocaine et au mouvement culturel qui gravite autour du festival L’Boulevard. "Casa Nayda", réalisé par Farida Benlyazid, explore "l’identité plurielle" d’un "Maroc qui bouge". Rencontre avec Dominique Caubet, professeur de langues à Paris et auteur du documentaire.

Pourquoi ce film, « Casa Nayda » ?


Je me suis rendu compte, en écrivant des ouvrages sur le mouvement culturel Nayda, que certaines personnes n’avaient pas accès à cette réflexion. D’où l’idée de faire un film documentaire accessible à un public plus large.


Farida Benlyazid qui est une amie a bien voulu réaliser ce documentaire qui retrace l’émergence de la nouvelle scène musicale au Maroc.

Le film décrit un phénomène qui ne touche pas uniquement la sphère artistique mais une partie de la société marocaine.

C’est un mouvement culturel qui a beaucoup évolué depuis la fin de la décennie 90 lorsque l’underground marocain commençait tout juste à sortir de l’ombre.

Ce film a fait le choix de ne pas recourir à la voix off. Ce sont les gens qui eux-mêmes au fil des interviews racontent leur mouvement en marge d’événements comme L’Boulevard qui est le plus grand festival indépendant de musique actuel d’Afrique et du monde arabe.

C’est grâce à cet événement et à d’autres festivals, auxquels s’intéresse le documentaire, que la culture alternative s’est imposée.

2003 est une année charnière pour le mouvement. Le procès des 14 musiciens accusés de satanisme et les premiers attentats du Maroc ont, d'une certaine manière, libéré la parole.

Une certaine presse francophone comme Telquel et des boites de communication ont eux aussi contribué à donner une visibilité à un mouvement qui s’appuie sur les arts de l’image et les nouvelles technologies.

Certains associent ce mouvement à une forme d’occidentalisation du Maroc…

Je ne pense pas. C’est d’ailleurs une question sur laquelle revient un musicien du groupe Darga dans le documentaire. Les acteurs du mouvement se voient et se vivent comme 100 % Marocains.

Ce qui change. C’est l’identité marocaine qui est dorénavant plurielle. Ce n’est pas parce qu’on est pluriel qu’on est pas 100% Marocain.

Ce thème là revient souvent dans le film. Ce qui est très étonnant dans ce mouvement, c’est l’attachement nouveau de tous ces acteurs à leur pays qu’ils soient musiciens, organisateurs ou journalistes …

C’est un attachement qui est à l’opposé du nationalisme dont on leur bourre le crâne depuis longtemps. Pour eux, le nationalisme panarabe n’est pas une réalité.

Dans le film, l’historien Mohamed Tozy parle d’un nouveau patriotisme. Je ne suis pas sûre que ce soit le terme approprié mais peut être qu’il a raison. C’est, en tout cas, un amour du pays.

A noter que ces jeunes ne veulent pas partir et sont contre l’hrig. Ils ont la volonté de rester au pays et de le changer de l’intérieur. C’est ce qui est très fort. C’est pour cela que le mouvement attire les gens.

Le mouvement n’est pas en train de calquer des choses qui appartiennent aux autres.

Aujourd’hui il s’agit de se regarder en face et de se demander qui on est. On est Africains, Berbères en même temps qu’Arabes. Ce pays a aussi une histoire coloniale qu’on ne peut pas nier. Et qui fait que le Maroc est ce qu’il est aujourd’hui. Durant des années on a censuré une partie de cette identité.

Doit-on parler d’une spécificité marocaine ?

Il me semble que le Maroc est le seul de son espèce à être aller aussi loin dans ce mouvement de raz-le-bol qui a fait sauter un certain nombre de tabous dont celui de l’identité marocaine.

Le cinéma aussi commence à être rattrapé par le mouvement avec des jeunes cinéastes comme Khalid Benkirane qui prépare un documentaire musical ou encore Zakia Tahiri qui travaille sur le film "Number One". Un autre documentaire, "Casa Negra", est aussi en cours de réalisation.

Dominique Caubet, auteur de "Casa Nayda", est professeur de langues à L’Inalco à Paris. Spécaliste de la darija, elle étudie la nouvelle scène musicale au Maroc.

Propos recueillis par SaĂŻd RaĂŻssi
Menara